ENTRETIEN – Les courtiers en crédits immobiliers ont tiré la sonnette d’alarme depuis plusieurs mois sur ce qu’ils estiment constituer un sérieux frein dans l’accès aux crédits : la révision du taux d’usure (taux d’intérêt maximum légal) par la Banque de France, qu’ils estiment trop lente. Ils manifesteront à Paris le 20 septembre, devant le siège de la Banque de France. Bérengère Dubus, intermédiaire de crédit à Montpellier et secrétaire générale de l’Union des intermédiaires de crédit (UIC), explique.
La Montpelliéraine Bérengère Dubus est la secrétaire générale de l’Union des intermédiaires de crédit (UIC), syndicat national de la profession en France fondé à Montpellier. (Crédits : DR)
Bérengère Dubus est intermédiaire de crédit (courtier) à Montpellier et secrétaire générale de l’Union des intermédiaires de crédit (UIC), syndicat national de la profession en France fondé à Montpellier. Une profession qui se mobilise depuis quelques jours autour d’une problématique qui, selon elle, freine beaucoup l’activité des transactions immobilières.
LA TRIBUNE – Combien existe-t-il de courtiers en crédits immobiliers en France ?
Bérengère DUBUS – On compte aujourd’hui 34.000 intermédiaires en opérations de banque en France, avec notamment 6.000 inscriptions en Occitanie et 44 sur la métropole de Montpellier.
Les courtiers en crédit immobilier ont alerté les pouvoirs publics sur l’évolution trop lente du taux d’usure. Rappelons ce qu’est le taux d’usure ?
Il s’agit du TAEG (taux annuel effectif global, NDLR) maximal auquel un prêt peut être accordé, incluant le taux de crédit, le coût de l’assurance emprunteur, les frais de dossier, les garanties obligatoires, etc. Initialement, le taux d’usure est un dispositif qui a vocation à protéger les emprunteurs d’éventuels abus. Mais aujourd’hui, c’est un frein pour l’accès à la propriété… Le TAEG dépend de beaucoup de critères : profil des emprunteurs, âge, santé, etc. Le taux d’usure est fixé par la Banque de France et ne peut excéder un certain pourcentage des taux moyens constatés les trois mois précédents. Et c’est justement ce mode de calcul qui pose problème, selon nous.
Comment est-il calculé et avec quelles conséquences ?
Il est révisé chaque trimestre par la Banque de France, mais avec un décalage de six mois ! La Banque de France s’en réfère aux prêts signés sur les trois derniers mois, or avec les délais obligatoires entre l’accord donné à un crédit et le déblocage des sommes empruntées, ces prêts concernent en réalité des prêts accordés six mois auparavant… Le taux d’usure est donc totalement décalé de la réalité du marché ! Ainsi, les taux ont augmenté de manière exceptionnelle de 1,35% à 1,95% – mêmes s’ils restent encore bas – et le taux d’usure aurait dû remonter de suite en juillet. … En septembre, on est à 2,2% de taux nominal et le taux d’usure n’a toujours pas été relevé, ce qui rend les emprunts inaccessibles pour beaucoup de gens. Nous dénonçons donc un immobilisme qui fait peser de lourdes conséquences sur le secteur de l’immobilier et la vie des Français en général. Environ 45% des dossiers de crédit immobilier portés par les particuliers sont refusés de manière inique et de nombreux professionnels de l’immobilier se retrouvent en difficulté depuis plusieurs mois : les agents immobiliers et les promoteurs qui ne peuvent pas vendre, et en cascade les courtiers bien sûr. D’ailleurs, les notaires ont donné l’alerte dès le mois de juin…
Vous dites que dans une métropole comme Montpellier, les emprunteurs s’en sortent un peu mieux. Pourquoi ?
Parce que la population est jeune ou qu’il y a beaucoup de fonctionnaires, des clientèles qui ont moins de contraintes sur le TAEG… Il existe une concurrence qui fait que les banques veulent conserver leur clientèle. Enfin, il y a beaucoup de promotion immobilière, or, même si ça le retarde, le promoteur peut attendre plus facilement que dans l’ancien. Mais depuis le 1er septembre, on est nous aussi bloqués à Montpellier !
Que demandez-vous ?
On ne demande pas à changer le système, mais que la Banque de France modifie le mode de calcul du taux d’usure. Le ministre de l’Économie dit qu’il ne souhaite pas que les Français arrêtent d’acheter. Il est plutôt à l’écoute mais il prend ses informations à la Banque de France… D’autant qu’en 2021, le HCSF (Haut Conseil de stabilité financière, NDLR) a édicté de règles contraignantes pour les banques, qui ont limité le marché.
Vous avez programmé une manifestation des courtiers en crédits immobiliers, ce qui est plutôt rare, mardi prochain 20 septembre à Paris…
Malgré nos alertes, la Banque de France ne nous a toujours pas reçus. Cette manifestation sera en effet la première de la profession des courtiers qui ne fait habituellement pas de vagues. Un premier rassemblement unitaire qui va regrouper les courtiers indépendants, franchisés, parisiens, provinciaux. On espère que le Gouverneur de la Banque de France descende de sa tour d’ivoire et nous considère. Il ne faut pas oublier que l’immobilier est un pan important de l’économie.
Ce matin (16 septembre), le Gouverneur de la Banque de France, justement, a annoncé « un relèvement proportionné du taux d’usure » qui interviendra par application « des règles existantes ». Cela vous satisfait-il et maintenez-vous votre manifestation du 20 septembre à Paris ?
Je me félicite que nous ayons été entendus. L’UIC va participer à la réunion de travail de la Banque de France. Le Gouverneur de la Banque de France a changé totalement de discours en reconnaissant que le prêt immobilier est sûr, que malgré la hausse, les taux restent bas, et qu’il y a des blocages dus à l’usure. La mobilisation unitaire appelée de ses vœux par l’UIC a fonctionné. La manifestation du 20 septembre à Paris sera la preuve que nous voulons des actes désormais.
Source La Tribune Occitanie – Montpellier
Cécile Chaigneau
Publié le 16 septembre 2022
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