Les emprunteurs ne sont pas les seuls à être pénalisés par les nouvelles difficultés d’accès au crédit immobilier. C’est le cas aussi des courtiers qui doivent modifier leurs pratiques. Explications.
Une chute de 37,3%. C’est, selon l’Observatoire Crédit Logement CSA, la baisse mesurée de la production de crédit immobilier entre septembre et novembre 2022 par rapport à la même période en 2021. Des difficultés d’accès au crédit qui touchent tous les consommateurs, « y compris de bons profils qui n’atteignent pas le taux d’endettement maximum de 35% », relevaient les notaires il y a quelques semaines dans une étude publiée le 14 novembre. En cause, une hausse rapide des taux de crédit immobilier qui a atteint 2,44% en moyenne pour un crédit sur 20 ans au 26 décembre, selon le courtier Meilleurtaux. Mais aussi un niveau du taux d’usure, taux maximum « tout compris » au-dessus duquel une banque ne peut pas prêter, qui freine l’accès au crédit selon les courtiers.
Forcément, la chute de la production impacte les emprunteurs, mais également l’activité des courtiers en crédit immobilier. « La fin d’année 2022 a été terrible pour un certain nombre de courtiers, dévoile Bérengère Dubus, fondatrice de l’Union des Intermédiaires de Crédit (UIC). Et malgré une hausse du taux d’usure au 1er janvier 2023, et une nouvelle augmentation attendue au 1er avril, le premier trimestre de cette année risque lui aussi d’être compliqué ». Si l’UIC ne peut pour l’instant pas donner de chiffres précis sur le nombre de cessations d’activité chez les courtiers, Bérengère Dubus assure que « c’est tout un écosystème qui est aujourd’hui en difficulté. Les refus de dossiers impactent bien évidemment les emprunteurs, les courtiers mais ce sont aussi des maisons vendues en moins pour les constructeurs et des dossiers en moins pour les agents immobiliers. »
Les banques plus frileuses envers les intermédiaires
Pour Sandrine Allonier, porte-parole du courtier Vousfinancer, les difficultés rencontrées aujourd’hui par la profession viennent aussi du rapport de force déséquilibré avec les établissements bancaires : « Les courtiers restent des intermédiaires et sont dépendants des fournisseurs, qui sont les établissements bancaires. » Or, la donne a également fortement changé pour les banques. Hier produit d’appel, le crédit immobilier est aujourd’hui utilisé avec parcimonie. « Les conditions cette année ont été complexes à cause du taux d’usure, et les banquiers en ont souffert aussi, rappelle Cécile Roquelaure, directrice des études chez Empruntis. Certains partenaires parlent de 5 000 à 25 000 euros de perte pour chaque dossier de crédit. »
« Alors qu’elles perdent déjà de l’argent sur le crédit immobilier, certaines banques remettent aujourd’hui en cause leur besoin de passer par un courtier, développe Sandrine Allonier. Il y a un changement de paradigme. Hier, le courtage permettait aux banques de capter des clients qui ne seraient pas venus spontanément. Par exemple, HSBC pouvait toucher des jeunes, La Banque Postale des personnes plus aisées… Mais aujourd’hui, les banques ne proposent du crédit qu’à leurs clients, pour qu’ils ne partent pas ailleurs. Elles ne sont pour le moment plus dans la conquête. »
Le courtier, remplaçant du conseiller bancaire ?
Alors, 2023 est-elle l’année de la disparition des courtiers ? « Les banques n’ont pas du tout l’intention de lâcher le crédit immobilier, veut croire Cécile Roquelaure. Pour l’instant, la baisse attendue sur la production est de l’ordre de 10% par rapport à ce qu’ils ont fait en 2022, mais les banques attendent la relance, qui sera un moment très stratégique. Elles ne voudront pas rater le coche, et les courtiers leur seront utiles pour cela. »
La diversification permet également aux courtiers de traverser les temps plus difficiles. « Aujourd’hui, les courtiers ne sont plus aussi dépendants des banques, assure Sandrine Allonier. L’assurance emprunteur, le rachat de crédits, les prêts à la consommation sont autant de possibilités. On travaille également avec des banques qui ne travaillent qu’avec des courtiers et qui proposent par exemple des solutions en crédit hypothécaire. On ne travaille pas uniquement avec des banques traditionnelles. »
Et selon un sondage mené chaque année par Vousfinancer, les courtiers sont également plébiscités par les emprunteurs. 60% des moins de 35 ans déclarent ainsi vouloir faire appel à un courtier. Un chiffre qui s’établit à 40% pour l’ensemble des sondés.
Bérengère Dubus ne voit pas les choses changer : « Plus il est compliqué de trouver un financement, plus on a besoin de mettre toutes les banques en concurrence, et d’être accompagné d’un spécialiste capable de trouver des solutions. » Un avis partagé par Damien Pacouil, fondateur de Prelys Courtage : « Le courtier va de nouveau avoir une double casquette : trouver le meilleur taux et accompagner son client. De plus, on risque dans les prochains mois de voir revenir des taux mixtes ou des taux variables. Ce sont des produits techniques, spécifiques, qui vont nécessiter encore plus d’accompagnement et d’explications. »
Le renforcement de la digitalisation du processus pourrait également donner un nouvel avantage au courtier : « Depuis quelques années, certaines banques ont lancé des projets de digitalisation de la relation entre banques et courtiers. Cela permet de fluidifier les envois de documents, rapporte le fondateur de Prelys courtage. On se branche sur leurs outils pour avoir un premier avis immédiat. Les établissements bancaires ont ensuite les documents et n’ont plus qu’à valider et éditer l’offre de prêt. Ça va changer la façon dont le consommateur va acheter du crédit. » Un gain de temps pour l’emprunteur, mais aussi pour la banque, car rentrer ses documents dans une base de données qui serait mutualisée permet aussi d’éviter d’éventuelles erreurs.
Par Romain DESIGNOLLE
Le 12 janvier 2023
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